Discussion:Benoist-Lamothe François-Nicolas

De Ecole normale de l'an III
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-Benoist-Lamothe [ou Benoist de Lamothe] François-Nicolas (vraisemblablement Paris, paroisse Saint-Eustache, date inconnue- ?), fils d'Edme-Pierre, bourgeois de Paris et de Adélaïde-Geneviève-Louise Payneau est nommé le 24 frimaire (14 décembre 1794) par le district de Sens où il est désigné sous le patronyme de Benoist Storre) Il est sous l'Ancien Régime receveur général de la Régie, résident à Château-du-Loir (Sarthe). Il a publié, dès 1788, à Angers un recueil de poésies intitulé L'Ami d'Erato. Il propose le 26 mai 1791 dans une adresse à l'Assemblée nationale , un projet de monument à la gloire d'Honoré Riquetti-Mirabeau mort le 2 avril précédent, monument qui s'inspire de celui élevé par Pigalle en l'honneur du maréchal de Saxe dans la cathédrale de Sens. En novembre 1792, il est secrétaire rédacteur d'une adresse de la société populaire de Château-du-Loir qui félicite la Convention nationale pour son décret d'abolition de la royauté: "Ce sublime décret remplit d'allégresse tous les coeurs des hommes libres: les cendres de Brutus en tressaillent de joie dans leurs tombeaux! Législateurs, continuez à bien faire; vous avez proscrit la royauté, proscrivez l'anarchie, faites respecter votre pouvoir souverain; confondez les projets des Appius, des Octaves et des Sylla. Nous ne voulons d'autre maître que les lois de la République." Il revient, sans doute en 1793, dans sa propriété de Soucy, depuis laquelle il écrit, le 17 ventôse an II (7 mars 1794) au président de l'administration départementale de l'Yonne en lui envoyant une adresse qu'il lui demande de faire passer à La Convention nationale. Celle-ci réclame la création d'une fête civique pour demander à Dieu la conservation des biens de la terre; il s'agit de substituer aux Rogations des chrétiens, "cérémonie religieuse et touchante, mais qu'ils ont défigurée par leurs pratiques superstitieuses", des rogations civiques, précédées par le corps municipal de chaque commune: "Rendre hommage à la divinité est un acte de civisme et de vertu. Peut-on être athée de bonne foi? Non, l'athéisme ne peut loger que sans un coeur corrompu ou dans une tête en délire." Il manifeste en même temps sa préoccupation devant le retard pris par l'établissement d'une école primaire dans chaque commune: si celles-ci "eussent été en activité il y a un an, le fanatisme n'eût pas fait tant de prosélytes, l'horrible guerre de la Vendée n'eût peut-être jamais existé". Cette même année, il publie toute une série de discours, hymnes (sur l'air de la Marseillaise), invocations et cantiques (§ainsi un Credo de la raison en couplets alternés) en lien avec le culte de l'Être suprême à Sens: le discours sur la religion naturelle a été prononcé le 10 floréal an II (29 avril 1794) dans le temple de la raison (ex cathédrale St-Etienne) de Sens. Il estime que dans le fond, toutes les religions sont bonnes, puisqu'elles ont toutes pour base l'idée de l'existence de Dieu et l'amour du prochain"; il s'agit donc de retrouver ce fonds commun, faire réapparaître la véritable religion universelle en la dégageant des superstitions qui l'ont obscurcie: se définissant comme "apôtre de paix" il voudrait "pouvoir concilier et réunir tous les esprits en les ramenant tous au même dogme", l'existence de Dieu, qui n'a pas besoin de stériles oraisons, de génuflexions ridicules, de confessions mystérieuses, de jeûnes et de macérations. Seuls sont dignes de respect et d'hommage, non pas les "prétendus saints", simples fous et bourreaux de leurs corps,mais les grands hommes bienfaisants: Brutus,"ennemi de la tyrannie couronnée, Jésus de Nazareth, "premier apôtre de l'Egalité, et "honorable victime de l'aristocratie judaïque et du fanatisme des Pharisiens", Rousseau et Mably, qui ont publié, sous le règne du despotisme, les droits sacrés de l'homme et du citoyen. Il s'est marié à Soucy (Yonne) le 15 thermidor an II (2 août 1794) avec Marie-Anne Storre, fille d'André François, apothicaire place de la Fraternité à Sens et de Marie-Anne Béranger. A l'Ecole normale, il adresse à l'abbé Sicard (Neuvième débat, 19 germinal) une longue lettre intitulé "Réflexions sur l'innovation de substituer le tu au vous dans le langage et dans les écrits". Les archives départementales de l'Yonne conservent par ailleurs la correspondance qu'il entretint avec son épouse lors de son séjour à Paris et où il lui demande l'envoi de provisions de bouche et de vêtements chauds. De retour de l'Ecole normale, il se retire à Soucy. Dans une lettre qu'il adresse au Comité de Législation de la Convention nationale qui l'a reçue le 3 thermidor an III (21 juillet 1795) il dit avoir été privé par la Révolution d'un emploi assez avantageux et s'être retiré "dans un petit héritage de ses pères". Selon le bail qu'il a signé en 1787, son fermier exploite 80 arpents et lui verse 300 livres par an: "Il vit dans l'abondance et moi je meurs de faim. Je cultive de mes mains peu exercées à ce pénible travail, je cultive, dis-je, un jardin de 3 arpents. Une partie reste en friche, parce que les forces me manquent et que les hommes à journée sont trop cher. Mes murs tombent en ruine et je ne puis les réparer parce que la main-d'oeuvre et les matériaux sont hors de prix.Je n'ai plus de domestique en ce moment". Il estime exposer ainsi la triste situation "d'une infinité de petits propriétaires" et demande l'instauration de l'obligation, pour les fermiers de payer leurs propriétaires en grains, sûr moyen de ranimer la circulation des grains, de déjouer les accapareurs et de "remettre toutes choses à un prix raisonnable". Le 7 thermidor suivant (25 juillet 1794) il écrit une nouvelle lettre au même Comité: il s'inquiète de la joie cruelle, insultante, des royalistes", avertit que celui qui veut établir des greniers d'abondance pour recevoir l'impôt en nature est "le sujet de mille soupçons funestes qu'on veut inspirer au peuple. [...] Depuis la fermeture des sociétés populaires, le peuple des campagnes n'apprend plus rien que par l'organe des royalistes et des curés fanatiques". En l'an IV, il devient commissaire du Directoire exécutif pour le canton de Saint-Clément près Sens et fonde un journal L'Observateur du département de l'Yonne ou Journal des corps administratifs et judicaires qui eut dix numéros du 25 nivôse an IV (15 janvier 1796) au 25 germinal an IV (14 avril 1796). Il entend, par ce vecteur, reprendre l'oeuvre d'éducation politique et morale des adultes commencée en l'an II et s'efforce d'y introduire le "culte social" en développant des dissertations sur les fêtes décadaires: "La religion, une religion saine et éclairée est, en dernière analyse, le principe et la source du bonheur commun. Il faut donc une religion, il faut un culte, mais un culte approprié à la raison, au gouvernement actuel et à l'utilité publique". La description des cérémonies de ce "culte social" l'apparente beaucoup à l'inspiration de la théophilanthropie. Il s'agit de défendre la société issue de la Révolution contre le catholicisme et de prêcher la solidarité en infusant plus d'égalité dans la répartition des fortunes: s'il se défend dans le numéro du 15 germinal an IV (4 avril 1796) d'être proche de Gracchus Babeuf,il veut en revanche promouvoir une république de petits propriétaires. En l'an V, il doit quitter son poste de commissaire du Directoire exécutif en raison de sa qualité de parent d'émigré. Il installe le 25 septembre 1797 le culte théophilanthropique à Sens, d'abord dans l'ancienne chapelle du séminaire puis à la cathédrale, rouverte au culte catholique qui doit partager l'affectation des lieux: il avait publié dès 1796 à Sens un Office divin à l'usage des Théophilantropes, ou chrétiens français, composé en grande partie des odes sacrées de J. B. Rousseau. Le 28 thermidor an VI (15 août 1798), il pose sa candidature à la chaire de littérature, vacante, de l'Ecole centrale d'Auxerre. Dans sa lettre au ministre, il rappelle les titres qu'il peut faire valoir pour cette place: ses oeuvres poétiques et littéraires, le fait qu'il est connu du citoyen Jean-Baptiste Leclerc, député du Maine-et-Loire et de Louis-Marie La Revellière-Lépeaux qui est alors directeur, des citoyens Jacob-Augustin-Antoine Moreau, député de l'Yonne au Conseil des Anciens et Guillaume Guichard, membre du Conseil des Cinq-Cents. Il participe en l'an VIII au concours organisé par l'Institut national sur les cérémonies funéraires et les lieux de sépulture, puis en 1802 à celui sur les traitement barbares exercés sur les animaux. Il publie en l'an IX un Catéchisme des Muses ou Abrégé des règles de la versification française mis à la portée des élèves de l'un et l'autre sexe'Texte italique, mentionné par lAlmanach des Muses pour l'an X qui estime que le poème Socrate et les poésies "laissent à désirer". On perd ensuite sa trace sans qu'il soit possible d'indiquer la date et le lieu de son décès.


[ A.D. Yonne, L 892; 1 J 429, Correspondance de Benoist-Lamothe avec son épouse; Affiches du Mans, annonces, etc., 5 novembre 1792; Albert Mathiez, La théophilanthropie et le culte décadaire Essai sur l'histoire de la Révolution 1796-1801, Paris, Alcan, 1903, p. 57-66; Charles Porée, Sources manuscrites de l'histoire de la Révolution dans l'Yonne Inventaire I, Archives nationales, tome 1, Auxerre, 1918, p. 208-209; tome 2, Auxerre, 1927, p. 66-67, 361, 391-394; André Lottier, "François-Nicolas Benoist-Lamothe de Soucy d'après les documents révolutionnaires complétés par une correspondance inédite", Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 1963-1964, p. 283-287, 1965-1966, p. 277-278, 281-282.