Asselin de Cherville Jean-Louis

De Ecole normale de l'an III
Aller à : navigation, rechercher

Found a typo? Just edit it.

Notice

-- ASSELIN DE CHERVILLE Jean-Louis* (Cherbourg, 10 juillet 1772 - Le Caire, 25 juin 1822) est nommé le 28 frimaire par le district de Cherbourg qui, « considérant que dans son arrondissement il y a pénurie de sujets dignes d’être envoyés aux écoles normales » et que « les décrets du onze brumaire et dix huit frimaire ont fixé l’âge des élèves depuis 21 à 26 ans », s’autorise à choisir un candidat « pris dans la première réquisition » et pour lequel elle fait valoir un certificat de civisme et assure qu’il « se destine par ses qualités » à l’état d’instituteur. Secrétaire du directeur des fortifications de Cherbourg, celui-ci s’était porté candidat devant l’administration du district, le 19 frimaire précédent, en ces termes où l’on peut reconnaître un lecteur d’Helvétius : « Il s’offre avec une certaine quantité d’idées dont son cerveau est meublé et qui n’attendent pour germer qu’une situation qui leur soit analogue ; il s’offre avec un amour pour l’étude qui est devenu chez lui un besoin presque physique, il s’offre avec un caractère qu’il s’est formé et qui tient déjà de l’énergie républicaine, avec des inclinations et des mœurs qu’il a tâché de rendre douces et aimantes ; il s’offre avec sa jeunesse qui, loin de lui nuire dans votre esprit, plaidera au contraire en sa faveur puisqu’elle le met à portée de recevoir ces impressions fortes et vigoureuses dont ne sont plus susceptibles des cerveaux déjà imprégnés de préjugés et d’opinions antérieurement reçus […] ».

Après des études commencées à Cherbourg et poursuivies au collège-séminaire de Valognes, il est selon la notice qui lui est consacrée en 1845, tonsuré par François Bécherel, évêque constitutionnel de la Manche, dans le chœur de l’église de Cherbourg en 1792. Commis de l’administration du district en août 1793, il rédige le 29 nivôse an II (18 janvier 1794) une pétition adressée au représentant du peuple Bouret afin de pouvoir ouvrir une école publique à Cherbourg selon le dispositif de la loi votée un mois plus tôt (29 frimaire an II-19 décembre 1793), pétition qui est signée « Le Républicain Asselin » et appuyée par le conseil général de la commune de Cherbourg et l’assemblée générale du district : y seront enseignés lecture, écriture, éléments du calcul, principes de la langue française et éléments de l’histoire. Ces connaissances « feront bientôt disparaître les méthodes gothiques et surannées de nos ci-devant collèges. Les premières notions du juste et de l’injuste, c’est-à-dire les principes de la philosophie morale remplaceront avantageusement ces préjugés religieux qu’on prit tant de soin d’inculquer à nos pères dès leur plus tendre enfance. ».

Signataire de la pétition du 24 germinal, il revient s’installer à Paris dès la fin de thermidor an III. Résidant au numéro 763 de la rue d’Enfer (section des Thermes), il entre à la Trésorerie nationale comme employé à la Direction du Grand Livre, mais en est momentanément exclu pour avoir été absent de son poste le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), jour de l’émeute royaliste, bien qu’il ait argué « qu’entendant battre la générale sur la section du Théâtre français, il a craint d’être forcé de marcher contre la Convention et s’est retiré chez lui ». Il est rapidement réintégré comme commis et y demeure jusqu’au 5 juillet 1802. Il s’initie alors aux langues orientales (hébreu, syriaque, arabe, grec moderne) en suivant les cours de l’École spéciale des langues orientales (donnés par Langlès, Silvestre de Sacy, Dansse de Villoison pour l’arabe et Caussin de Perceval pour le grec moderne) et du Collège de France (il est l’élève d’Audran pour l’hébreu et le syriaque, de Gail pour la littérature grecque), se liant avec Volney et Silvestre de Sacy. Il est nommé le 15 avril 1806 second drogman au Consulat de France au Caire en Égypte, fonctions qu’il occupe jusqu’au 4 septembre 1816, date où il est nommé vice-consul de France au Caire et premier drogman du consulat général d’Égypte à Alexandrie. Il ne sera cependant jamais nommé consul parce qu’il refuse de quitter Marie, la mère de ses deux enfants naturels, blanchisseuse originaire de Raguse, « d’extraction abjecte », et qu’il ne veut pas non plus épouser : cette conduite privée est sévèrement jugée par les rapports consignés dans son dossier personnel aux Archives du Ministère des Affaires Étrangères. Mis à la retraite le 31 décembre 1821, il poursuit ses travaux de savant orientaliste en Égypte jusqu’à sa mort, préparant un dictionnaire de la langue abyssinienne. La lettre qu’il adressait à Dacier, secrétaire de la Troisième Classe de l’Institut, et publiée dans le Magasin Encyclopédique en 1815 (t. III, p. 82-89) dit assez l’ampleur du projet de recherche, mariant histoire et anthropologie, qu’il a envisagé : « Je me suis considéré comme chargé par un gouvernement libéral de chercher à lever le principal obstacle qui s’oppose à la libre communication des individus, à l’activité du commerce, aux efforts des voyageurs et aux recherches des savants ; j’ai regardé l’Égypte comme le centre d’où je devais étudier les dialectes qu’on parle dans les différentes contrées arrosées par le Nil depuis ses sources jusqu’à ses embouchures, et dans les vastes déserts qui l’environnent […] ; et pour commencer à fixer d’une manière durable les idiomes divers qui ne sont que parlés sans être écrits, j’ai conçu et heureusement exécuté le projet d’établir un foyer de traducteurs au sein même de la superstition et du fanatisme. Un grand nombre de savants, pauvres et étrangers, viennent se réfugier dans la grande mosquée d’Elazhar [al-Azhar], de toutes les contrées limitrophes de l’Asie et de l’Afrique. C’est dans cet asile, que libres de tous les soins et de tous les embarras de la vie, éloignés d’un monde qu’ils méprisent, ils peuvent se livrer au genre d’étude qui leur plaît le plus. Mon plus grand embarras a été de vaincre les préjugés d’hommes qui préfèrent à l’or, l’indépendance, la paix et la pauvreté, et qui regardent comme impur tout individu étranger à leurs mœurs et à leur religion. À force de patience et de soins, je suis parvenu à en faire entrer quelques uns dans mes vues. Mon but était d’obtenir, dans les idiomes inconnus de l’Asie et de l’Afrique, le plus de phrases et d’expressions possibles, dans le cadre le plus resserré, afin de pouvoir comparer ces idiomes entre eux ». La bibliothèque d’Asselin de Cherville, riche de près de 1500 manuscrits orientaux (arabes, persans, turcs, coptes), est achetée en 1829 par le directeur de la Bibliothèque royale, Letronne.

Sources

[Bibliothèque historique de la ville de Paris, ms 791 f. 112-123 ; AN - D XXXVIII, 1, dossier 11 ; W. Marie Cardine, tome 1, p. 320-321 ; E. Sévestre, Le personnel de l’Église constitutionnelle en Normandie, tome 1, p. 494 ; Annuaire du département de la Manche, 17e année, 1845, p. 481-489 ; Pierre-François Burger, « Jean Louis Asselin, agent consulaire et collectionneur de manuscrits orientaux, Dix-huitième siècle, n° 28, 1996, p. 125-133 ; François Pouillon, Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris, 2008, p. 25-26]